Croquis d’académie

Le soir tombe. Je ferme les portes de mon atelier et à l’heure où la plupart des gens rentrent chez eux, je m’offre un détour par l’académie.

La fatigue que je traîne me fait souvent hésiter. Je pense au fauteuil qui m’attend à la maison. Je dois me raisonner, gravir les marches qui me mènent à l’atelier, me réinstaller à une table de dessin, ressortir ces outils que je viens à peine de quitter et dessiner à nouveau.

Cette deuxième partie de journée va pourtant m’énergiser. Le modèle s’installe. Pose courte ou longue? Du choix dépendra la manière dont le croquis sera traité. Ma préférence penche vers l’enchaînement rapide, quand le modèle sait qu’il ne devra pas tenir la pose très longtemps. Il s’aventure alors vers des postures originales, moins académiques.

L’idée première est de faire mes gammes comme le ferait un musicien. En réalité, cela va plus loin que le simple exercice. À ce moment de la journée, ma main peut enfin se libérer des contraintes du travail de commande. Je la laisse s’exprimer, l’invitant à lâcher prise, à glisser vers l’inconnu en oubliant les règles élémentaires du dessin, comme le respect des proportions ou l’observation de la lumière. Les courbes du modèle sont prétextes à réinventer les formes. Je m’éloigne de la réalité, laissant mon pinceau allonger les corps, rapetisser les têtes, modulant le jeu du trait et des masses.

Le débat de ce qui est et de ce qui n’est pas art trouve ici l’amorce d’une réponse, dans l’absence d’entrave, avec juste le besoin de déposer une trace sur le papier, y imprégnant l’émotion du moment, sincère et spontanée. 

Le cours se termine, je rentre chez moi. Il est tard, je ne suis plus fatigué.


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