J’ai eu la chance de croiser un jour Cézanne. La perspective n’est pas ce que l’on retient de son oeuvre et pourtant c’est elle l’élément déclencheur.
Cézanne compose certains de ses tableaux d’éléments épars. Il choisit par exemple de peindre un buffet, puis une trompette posée sur le sol, ensuite une table sur laquelle se trouve une assiette. Il la remplit de pommes. À côté, il y dépose une tasse de café.
Plutôt que de réunir l’ensemble, il peindra chaque élément séparément, se déplaçant d’un endroit à un autre et baladant ainsi sa toile pour reconstituer le puzzle, sans jamais se soucier de la justesse des lumières ou de la concordance des différents plans. Ce faisant, il réinvente l’espace.
Cette découverte est un sésame jubilatoire qui m’autorisera à jouer avec les points de fuite et à prendre de la distance avec la réalité photographique.
Cette voie de déconstruction et de distorsion aboutit à un constat édifiant: l’oeil accepte ce qui pourrait être interprété comme des maladresses. Sans peine, il identifie le sujet initial et reconstitue la réalité. La force du dessin est là : c’est une cour de récréation où tout est possible.